Sous un rayon
de soleil

Sous un rayon de soleil, ou Komorebi no moto de, est un manga de Hojo Tsukasa publié en 1993. Il suit directement une courte nouvelle qu'avait publiée Hojo et intitulée "Sakura no hana sakukoro", plus connue chez nous sous le titre de "Le temps des cerisiers" dans un recueil d'histoires courtes du même nom.

par Vyse Skern

"Le temps des cerisiers" était un prélude à ce petit manga de 3 tomes en tout. Il mettait en scène un personnage que Hojo avait déjà créé dans sa série phare "City Hunter" : Sarah Nishikujo. Néanmoins on ne peut pas dire qu’il s’agisse réellement du même personnage. Si le nom et l’apparence de la jeune fille sont identiques ainsi que ses pouvoirs, on dénote des différences entre les deux. Déjà Sarah a un père différent et ses pouvoirs semblent autrement plus importants dans "Sous un rayon de soleil". Bien sûr tout cela peut s’expliquer, il vaut mieux voir ce manga comme une réutilisation d’un personnage de l’univers de Hojo, réutilisation fréquente chez l’auteur, plutôt que la suite des aventures de la jeune Sarah qui apparaissait dans City Hunter.

Sarah

- La fée des arbres -

Tout de suite le ton de ce manga est donné et tranche plus ou moins avec les précédentes œuvres de son auteur. Déjà Hojo troque ses superbes jeunes femmes, qu’il ne cessait de mettre en avant, pour une petite fille. Il berce ensuite tout cela dans un climat beaucoup plus doux en portant un message écologique fort.

L'histoire nous conte l’arrivée de Sarah dans une petite ville du Japon en compagnie de son père, véritable clone de Falcon (plus connu chez nous sous le nom de Mammouth ou Umibozu) qui est un paisible marchand de fleur très pacifique voir idéaliste et naïf même. On peut se douter que ce n’est pas du tout par hasard que Hojo a choisi un tel physique pour ce personnage et qu’il a voulu donner un contrepoids à cette figure si célèbre de sa précédente œuvre.

Le père de Sarah

Quand à Sarah, si en apparence elle ressemble à une frêle jeune fille, il s’agit en fait d’une personne extrêmement mature. C’est en effet une adulte dont le corps est resté celui d’une enfant. Sarah ne vieillit pas, le temps s’est depuis longtemps arrêté pour elle laissant seulement son esprit évoluer. Hojo se laissera quand même aller, par moment, à dessiner cette dernière en tant qu’adulte mais uniquement comme une émanation de ses pouvoirs. Sarah possède différents pouvoirs dont notamment la transposition de son esprit dans le monde physique et qui laisse ainsi son corps en transe. C’est dans ces cas-là qu’elle apparaît adulte, et nue. Petite envie de Hojo de redessiner une belle femme sans aucun doute. Sarah peut aussi communier avec la nature et la comprendre. C’est surtout autour de ce pouvoir et de la nature que tournent les diverses thématiques du manga bien que Hojo aborde encore un des ses thèmes chers, les relations humaines avec leur monde.

Sarah

C'est ainsi à Sarah qu'il incombe de faire passer ce message tout le long du manga. Sarah apprend aux gens ce que respecter la nature veut vraiment dire. Elle cherche à les éveiller à ce monde si proche et pourtant si peu connu et néanmoins tellement merveilleux et sincère. Elle est elle-même décrite comme "la fée des arbres", une sorte d'envoyée ou de messagère de ce monde que les hommes délaissent et surtout se plaisent à ignorer, voire mépriser. Sarah ne se contente en effet pas de protéger la nature, elle cherche aussi à protéger les hommes d'eux mêmes en leur rappelant la simplicité des choses et le sens de la vie car elle reste, elle aussi, un être humain qui n'hésite pas à venir en aide à son prochain. Des êtres humains qui peuvent se montrer si égoïstes et cupides mais ce qui ne l'empêche pas de rester sensible à la souffrance des autres.

- Un conte entre humour et mélancolie -

Ainsi tout tourne autour de la figure assez emblématique de Sarah. Le lecteur vit ce manga et ressent tout à travers elle. On ressent l'humour et la présence d'esprit de Sarah due à sa maturité. Toute l'ambiance douce, simple et tranquille de Hojo s'en ressent et on se plaît à sourire quand notre héroïne lance une remarque pertinente soit en décalage avec les autres protagonistes, soit pour bien casser les illusions de ces derniers dans un certain cynisme qui lui est propre mais qui reste gentillet.

L'humour typique de l'univers de Hojo

A tout cela s'ajoute aussi la tristesse et la mélancolie qui découle de Sarah. Celle-ci lutte sans cesse contre un destin qui ne l'épargne pas. Sarah subit sa condition, sa vie est à l'image de la nature, un cycle en perpétuel recommencement. D'ailleurs cela est bien présent dans le tome 2 de l'oeuvre qui nous replace dans l'histoire courte "Le temps des cerisiers" où le problème de Sarah, à savoir de ne pas vieillir, est une constante éternellement liée à sa personne et ses pouvoirs. On retrouve aussi cela à la fin du manga, Sarah est rattrapée sans cesse par le temps et ne peut se fixer. D'ailleurs le dernier chapitre est vraiment une merveille graphique mais aussi scénaristique qui est là pour nous rappeler la tristesse d'une Sarah qui demande humblement que le temps puisse s'arrêter pour elle. Il y a bien un prix à payer pour de tels pouvoirs. Un prix aussi causé par les hommes. Le prix de la peur de l'exclusion, du rejet dont certaines personnes font preuve envers Sarah. C'est pour cela qu'elle reste confinée dans son secret. Elle craint, à raison, que les autres voient en elle un être qu'ils ne comprennent pas et donc rejettent en la désignant de maléfique. Néanmoins sa bonté lui permet de se créer des alliés voire de retourner ses ennemis mais il faut souvent du temps à tout cela.

Sarah en compagnie d'un personnage connu

- Quand écologie rime avec poésie -

Sous un rayon de soleil est une oeuvre touchante et sublime, c'est un véritable poème dessiné à lequel nous convie Hojo. La narration est lente mais contemplative. Le dessin est des plus soignés et des plus beaux. On est comme bercé dans cet univers que l'on découvre et qui nous donne un regard simple et tranquille des choses. On lit avec plaisirs les aventures de notre héroïne avec un sourire franc et on regrette le sort malheureux qui s'attache à elle, lentement mais sûrement. Quand on quitte l'oeuvre c'est avec un sentiment de tristesse mais de calme.

Portrait de famille

Cette oeuvre, certes assez courte, de Hojo est un chef d'oeuvre qu'on ne peut qu'apprécier un tant soit peu. A posséder absolument dans sa mangathèque.